Entreprenariat Educatif Européen
      

Pourquoi parler, écrire et enseigner la langue provençale AUJOURD’HUI ?…

Auteur :  Marc DUMAS
Professeur de provençal et célèbre libraire d'APT

Après un parcours très engagé dans les mouvements de jeunesse d’après-guerre , et une prise de responsabilité dans le service civique territorial , j’ai découvert lors de ces années l’importance de la connaissance de l’histoire locale pour une plus efficace et plus sage approche des problèmes du présent , mais aussi la part structurante de notre personnalité que peut jouer l’enracinement à un territoire si on sait se garder de toutes xénophobies identitaires.

A l’adoption du triptyque indissociable «  Patrimoines-Culture-Echanges » pour illustrer un territoire et lui développer toute sa valeur ajoutée , je me suis beaucoup investi dans les questions d’aménagement du territoire et plus précisément dans les projets de Parc Naturel Régional. Après avoir pris toute la mesure de l’ensemble de tous les patrimoines ( naturel et paysager , historique et monumental ) soit l’ensemble corporel et matériel des richesses d’une culture à illustrer pour pouvoir la partager : c’est tout le patrimoine « immatériel » ( les anglo-saxons disent « intangible) qui m’est apparu comme tout autant indispensable à inventorier , protéger et illustrer.Ayant eu la chance d’avoir entendu dans mon enfance tous mes grand-parents utilisaient chaque jour la langue provençale , j’ai peu à peu découvert son importance et l’énorme erreur qu’on avait commise à tous les niveaux de notre histoire et de nos services éducatifs de l’avoir ainsi laisser dans l’ignorance ou le mépris des générations successives.

N’étant pas linguiste de formation , je me suis donc inscrit à l’université à plus de quarante ans passé , pour aborder cette langue du midi dont l’exception n’avait pas échappé aux plus éminents linguistes d’Outre-Rhin ou Cisalpin , car elle était la « koiné » qui rayonna sur tout l’ Arc Latin bien avant tous les autres parlers nationaux ( espagnol , italien , portugais et français ) mais aussi bien au delà de l’espace fréquenté par les troubadours fondateurs de la poétique européenne.

J’enseigne donc depuis plus de trente ans cette langue romane de nos pères et j’ai aussi beaucoup milité dans les mouvements pour sa défense tout en continuant d’intervenir tour à tour dans les écoles maternelles , primaires ou secondaires en accord avec l’E.N.( pas toujours facile) , mais également avec des cours du soir pour les adultes ( au rythme de 3 h. par semaine) où d’ailleurs les retraités de l’enseignement sont en majorité …Est-on en présence d’une repentance ?

Après des années pour convaincre mes propres amis sur le concept de « Patrimoine Immatériel » et surtout d’arriver enfin à le faire adopter dans le texte de Charte du Parc Naturel Régional du Luberon , il s’est trouvé que dans le même temps l’UNESCO était entrain de rédiger un texte de 14 pages aujourd’hui officialisé qui reconnaît ce concept et son importance.

Les langues régionales - quelques fois dites minoritaires - s’inscrivent en priorité dans la longue liste de ce Patrimoine Immatériel dont on ne perçoit pas la dégradation comme celle d’un vieux château ou d’une chapelle . Il est pourtant et sûrement un des éléments majeurs pour servir pleinement les deux qui sont indissociables..

D’autre part , pour le « provençal » , la place et le rôle qu’on pourrait lui reconnaître dans une nouvelle méthode d’approche - voir d’enseignement - des langues latines dans le cadre méthodique de « l’intercompréhension des familles de langues » serait celui d’une pierre d’angle historique et géographique sur l’Arc latin.

Les langues nordiques le savent parfaitement et pratiquent cette méthode depuis longtemps avec des résultats incontestables. Ajoutons qu’un premier travail de linguistes ( publié un peu trop confidentiellement ) a été réalisé dans ce sens à l’université d’Aix sous la conduite de Claire-Blanche BENVENISTE et de nombreux collaborateurs de langues sœurs . Il est probable que cette proposition si elle était pris en compte , viendrait révolutionner l’enseignement des langues en France . Pour ce qui concerne particulièrement les langues latines , face à l’abandon du latin , ne serait-ce pas un indispensable rattrapage dans le cadre d’un grand projet « euroméditerranéen » .

 En conclusion , pourquoi ne pas relater cette intervention relevée dans la chronique d’un grand journal faisant état d’un débat sur la reconnaissance revendiquée de la langue catalane comme langue européenne…Alors qu’il était plus ou moins provoqué par une question posée par un journaliste sur cette opportunité et surtout sur l’utilité , aux yeux de ce dernier , d’une telle décision :

« A quoi sert de parler le catalan aujourd’hui  ? » le président PUJOL de la « Generalitat » de Catalogne répondit … en deux temps séparé par un long silence :

                                    «  Cela ne sert à RIEN … cela sert à Être ! » 


 

Dans son livre : "Virage européen ou mirage républicain? Quel avenir voulons-nous?", Nelly Guet démontre la sclérose du système éducatif français et fait des propositions européennes.